Croyez-moi, le problème de tous ces gens numériquement connectés entre eux, c’est qu’ils ne se croisent plus, il n’y a plus de convivialité, plus de contact « humain », une véritable disparition du corps de l’autre !
Ben tiens ! Donc, moi, connecté depuis 1998, je suis un monstre froid, un ours asocial, coincé dans une sorte d’hibernation perpétuelle… fasciné par un écran lumineux animé par une altérité cybernétique… Bien sûr !
Dans la réalité, loin de ces prémâchés remâchés à longueur de conversation, aussi colportés par les médias que par des « gens de qualité », le réseau a littéralement fait exploser mon niveau de relation sociale, et m’a fait rencontrer de véritables amis, que je croise, tout ce qu’il y a de plus physiquement, autant de fois que possible malgré parfois notre grand éloignement géographique. Cette « connexion numérique » si néfaste m’a permis de renouer des contacts chaleureux avec d’antérieures connaissances que l’ancienne manière de vivre m’avait malheureusement fait perdre de vue… Et pour parler du pire des diables, j’ai découvert grâce à Facebook que je partageais beaucoup avec des gens que je croisais dans des soirées, dans mon quartier, alors que nous n’aurions jamais pu nous parler à cause d’ancestraux codes sociaux, d’uniformes claniques et autres préjugés variés qui empêchaient naguère deux personnes apparemment très différentes de simplement s’adresser la parole… Ha, ce barbare monde prénumérique ! Mais ça ne m’intéresse pas plus que ça de contrarier l’idée reçue, mais plutôt d’en profiter pour pointer un fantasme, voire une véritable mythologie du « contact humain ».
Car, pour notre joyeuse espèce, la distance des corps, et même l’absence du corps de l’autre commence avec le langage, et se termine avec l’écriture. C’est donc un très vieux drame déjà joué jusqu’à l’usure…
Oui, ce drame est déjà joué, anthropologiquement, lorsque le rapport sexuel se perd téléologique dans le dialogue amoureux qui « repousse les corps » dans des préliminaires infinis, comme dans la scène du balcon dans Roméo et Juliette, et plus encore, définitivement consommé, dans la scène de Cyrano qui utilise un autre corps, un « avatar » pour le représenter. Et comme chez Shakespeare, sur l’Internet, les romances se nouent par l’entremise du langage. Et comme chez Rostand, le corps en cache souvent un autre, à la manière de ses séducteurs/trices des sites de rencontre qui mentent sur leur corps, leurs âges, leur condition, et même leur sexe… ou à l’exact modèle de Christian (dans Cyrano), qui n’écrivent pas eux-mêmes.
Ce jeu-là, de la distance des corps, commence donc lorsque le langage se substitue à la confrontation physique, et l’Internet ne fait que continuer ce qui commence avec le moucharabieh, le paravent, la cloison et tout autre moyen d’occulter le corps au profit de la langue. Ce qu’ont déjà instauré en règle tous les supports de l’écriture et le papier si perfectionné qui permet enfin à Voltaire de séduire (ou d’être séduit par) une Tsarine, Catherine II de Russie, qu’il ne rencontrera pourtant jamais… Car cette distance, ici de la France à la Russie, est propice à l’épanouissement de la langue, et de l’un de ses enfants, l’érotisme, qui transforme les stratégies d’escamotage des corps en espace symbolique d’exacerbation du désir.
Oui, cet « Internet » si dangereux pour l’homme n’invente pourtant rien. Il ne colporte rien d’autre que l’écriture, la voix, l’image. C’est à dire toute chose humaine transmise à distance bien avant son invention…
Il semble que d’une seule prévenance, sur l’insupportable isolement des corps, on inscrive une confusion sur le rôle de notre corps dans la communication interpersonnelle. Le corps est « mal compris », car il est double, « corporel » dans une confrontation, combat ou sexe, et « simple apparence », une image donc, plate et manipulable image, dans à peu près toutes les autres situations, et surtout dans toutes les relations sociales. Ainsi, encore chez Cyrano, ce que donne Cyrano à l’amour, c’est son esprit, bien, mais ce que donne Christian, dans le cadre de leur contrat, ce n’est pas son corps (qui restera vierge), mais son apparence, car c’est cette apparence « qualifiée » que réclame la superficielle Roxane ! De la même manière, l’amour de Roméo et Juliette est basé sur une séduction esthétique mutuelle, et ne deviendra un commerce des corps, paradoxe, que dans la mort. Comme si le corps n’existait pour nous que dans l’amour et la mort. Mais la vie humaine est majoritairement sociale, et est-il nécessaire de revenir sur la dimension purement théâtrale de la scène sociale ? Théâtrale, c’est-à-dire factice… Ce n’est pas tant la qualité de « présence » du corps, qui compte alors, que les attributs symboliques qu’il exhibe, et qui sont lisibles par tous les acteurs sociaux, « clairement lisibles » et même attendus. Et ces attributs, par leur charge symbolique, sont déjà des remparts qui mettent le corps à distance. Le costume-cravate est signe et carapace, c’est évident, mais même l’étui pénien traditionnel, en Papouasie, qui semble pourtant souligner plus que cacher, transforme l’organe sexuel masculin en « signe » et donc efface sa présence organique.
La communication interpersonnelle « sans corps » n’est pas traumatique, comme semble le sous-entendre la rumeur, mais parfaitement habituelle, ontologique à la nature même de la communication humaine, c’est-à-dire aux relations sociales.
Le balcon de Juliette : un dispositif audiovisuel
Le balcon de Roxane : une virtualisation du rapport amoureux.
Entre le sol de la cour et le balcon, l’espace du langage, en haut du balcon, l’étreinte… c’est donc bien la distance qui permet à la langue (au fantasme) de s’épanouir, ou inversement, c’est la distance des corps qui « oblige » à la stratégie de la langue… Roméo franchit l’espace qui le sépare de Juliette, c’est-à-dire qu’il franchit l’abime de la langue, qui est aussi la frontière sociale entre les deux familles pour accéder au corps de Juliette et donc détruire cette langue qui les sépare… De la même manière, les amants « Internet » transgressent les interdits familiaux, en parcourant parfois des distances énormes pour se retrouver physiquement et fuir ensemble… le langage est cette distance qu’il faut parcourir pour accéder au corps interdit, et ça « fonctionne » quel que soit le moyen de transporter le message.
[J'ai été stupéfait de découvrir, en faisant une recherche iconographique sur le balcon, que les artistes ont quasi systématiquement illustré les deux scènes, de Roméo et Juliette ou de Cyrano, en représentant la confrontation des corps, enlacements et baisers, ce qui est un presque contresens pour ces deux grandes histoires de frustration !]
…qui permet d’enjamber (sic !) des distances-temps inédites. Ce qui est amusant, c’est que ce méjugement de l’Internet s’accentue paradoxalement lorsque le corps « parait », c’est-à-dire lorsqu’il y a usage de la webcam, ou chat vidéo, alors même qu’on déplorait l’absence du corps. Bien sûr le corps n’est toujours pas présent, mais son image oui, et l’image du corps c’est pourtant ce « minimum » qui sert notablement à augmenter la quantité d’information d’une relation interpersonnelle… Dans l’échange épistolaire, il manque parait-il les « réactions physiques » de son interlocuteur. Et bien, branchez votre webcam, et découvrez comment la vision du corps de votre interlocuteur n’apporte pas toujours ce qu’on espère, et souvent, s’avère plus troublant, parasitant, gênant qu’autre chose. En fait, tout le monde a expérimenté ça, le « chat vidéo », à l’arrivée de l’ADSL, et qui connait quelqu’un l’ayant adopté comme pratique régulière ? Dire qu’Apple tente de nouveau d’en faire un argument marketing !
Pourquoi donc ? Si la présence des autres nous manque tant que ça, pourquoi préférons-nous parfois un échange d’email plutôt qu’un rendez-vous avec quelqu’un habitant dans notre quartier (ou dans le bureau d’à côté) ? Pourquoi les adolescents se pressent-ils de se quitter « physiquement » pour se retrouver sur MSN, ou maintenant sur Facebook ? Ce qui est intéressant à interroger, ce n’est donc pas tant cette soi-disant « virtualisation » des rapports humains, soi-disant nouvelle, et soi-disant problématique, mais les usages réels, et le sens qu’ils ont. Car nous ne sommes pas en présence d’une technologie dont nos rapports humains seraient « victimes » (sensé détruire quelque chose de l’homme) mais plutôt d’un outil dont nous usons de manière volontariste tout aussi bien pour mettre en relation des esprits à distance que pour la mise à distance du corps de l’autre… Et pourquoi ? Pour notre plus grand confort ! Après tout, inversons la proposition des geignards : les corps des autres nous manquent tant que ça ? À part pour les relations amoureuses, qui ne remplissent malheureusement pas notre vie, à part pour quelques soirées amicales choisies et qu’on espère bonnes, désirons-nous tant que ça la présence des autres ? Ces gens qui se plaignent que nous ne nous « croisions plus » veulent donc vivre dans une rame de métro ? C’est bizarre, parce que dans les rames de métro, les gens ont rarement l’air très épanoui… Et ce visible manque d’épanouissement, cette gêne de la promiscuité obligée, est justement ce qui rend grandement inaudible le discourt des écologistes sur les transports en commun, car qui échappe au transport en commun ne veut y retourner pour rien au monde !
La présence « continuelle » du corps des autres se termine toujours mal ! Voir les expériences d’isolement pour simuler la vie dans l’espace, et la version simulacre dans les téléréalités dont les caméras attendent de manière perverse que les corps se mêlent (le sexe) ou s’étripent (le conflit)… Ces deux situations étant, pour le producteur de téléréalité, parfaitement équivalentes. La « chaleur humaine » est une utopie. Tous les systèmes d’échange symbolique à distance servent à mettre les corps à distance. Donc, suppriment les possibilités immédiates de s’entretuer et construisent les sociétés, et parmi tous les dispositifs, le premier d’entre eux, le langage… Je suis persuadé que ceux qui ont si peur que « les gens ne se croisent plus » sont très contents d’avoir pour eux des espaces d’intimité aussi bien physique (présence) que symbolique (regard), des moments de mise à distance du corps si encombrant des « autres ». Car la société, mais aussi la famille, comme le bureau, et tout lieux d’intense rencontre interpersonnelle, ne sont pas des paradis, paradis, d’ailleurs, tient ! presque toujours représenté désertique…
Bon, ok, la rencontre a bien une validité (apporte une plus-value) à une certaine échelle sociale, une échelle toute petite, qui dessine une quantité de fréquentations acceptables assez faible, même si cette quantité est variable en fonction des individus. Mais le développement des moyens de communication à distance est corrélé à la croissance des sociétés, et distance et vitesse ne font que répondre à l’enjeu de ce développement. Dans ce monde global, totalement développé, totalement déplié, il fallait une prothèse qui efface les distances, au point d’effacer même le temps. Tous ceux qui pratiquent depuis longtemps les communications numériques savent très bien qu’elles n’interdisent pas les rencontres, que c’est une bêtise de croire ça, et même qu’elle en provoque de nouvelles, comme il est écrit que je rencontrerais certains de mes amis Facebook dont je ne connaissais même pas l’existence il y a peu. Mais ces rencontres restent rares, car elles doivent être rares, car analogiques, et donc lourdes et lentes…
Le véritable problème posé par ces communications n’est ni la distance des corps, ni l’absence de rencontre, mais la vitesse, la vitesse qui abolit les distances, et permet une explosion de sollicitation ! C’est la quantité, directement née de la vitesse, qui pose un véritable problème de traitement de l’information à nos pauvres petits cerveaux, et non la nature « numérique » de ces communications. La communication numérique n’est pas un problème en soi, mais une solution à une situation globalisante qui pose un problème inédit à cause de sa trop grande performance.
Solution qui apparait parfois avant même que le problème ne soit clairement formulé. Ainsi, pourquoi Facebook dévore-t-il le Net ? Car le Net est sans structure, horizontalité brute à l’échelle du monde, et c’est une échelle qui nous dépasse. Facebook rétrécit le réseau à un groupe de « proche », et canalise les informations qui arrivent du grand web par le filtre des goûts et choix des « amis », de proche en proche, et la communication, redevenant « virale », comme de village en village, perd sa dimension « globale » pour redescendre à une dimension humaine. Facebook est un rétrécissement du réseau mondial qui nous excède trop, car hors d’échelle à l’aune de nos capacités cognitives et sociales, et c’est pour ça que Facebook est si confortable, si « chaud », là ou le web est si froid… Ce que personne ne dit jamais ! Mais si le réseau Internet parait beaucoup plus « froid », il est infiniment plus libre, varié et vaste, comme l’océan… Et de la même manière que tout groupe social oblige à respecter des codes, refréner ses pulsions, et donc brime les libertés individuelles, Facebook n’est pas un lieu libre, mais policé, voir policier. Pour se « rencontrer » dans un lieu pacifier, Facebook réinvente un balcon pour tous, d’une simplicité enfantine, à l’échelle de l’organe sociale de notre cerveau, et ça fonctionne ! À quel prix ? La liberté d’expression.
Heureusement, pour la liberté, il y a [encore] l’océan…
—
Billet initialement publié sur Détresse visuelle, un blog de Culture visuelle
Image CC Flickr Bikerock
]]>Pour nombre de geeks, mars fut le mois de l’iPad. Il est temps de se l’avouer, la tablette de lecture si bien markétée de l’oncle Steve sera en France l’actualité, bien réelle, des early adopters d’avril-mai. Il est un temps pour tout, a condition qu’une offre, toute alléchante qu’elle soit, rencontre un usage – bien réel, on vous dit.
Comme on est un peu claustro sur OWNI, plutôt qu’une application iPad, c’est un site entier que l’on a imaginé vous proposer. Après tout, la navigation sur cet iphone géant n’est-elle pas plus agréable directement sur les sites Internet ? On vous le confie ici : on n’est peu tenté par un retour au CD-Rom à la soucoupe, alors on tatonne, on tente d’innover, mais à notre façon, en open-source et en CC, en artisans de l’intérêt public. En toute sincérité, nous nous sommes dit que ce bon vieil Internet-là n’était pas tout à fait mort. Pire, il bouge encore.
Naviguez, naviguons, surfons. Un jour disent-ils, Internet ne sera plus – il sera partout et tout le temps, dans le meilleur ou le pire des cas – et un autre jour, bien plus proche, le navigateur aura laissé la place à d’autres usages. Ils sont nombreux les gourous à le prédire. Et sans doute à raison. Mais en est-on là ? Et vous ?
Demeure cette évidence : un média social se doit de muer constamment. Ici ou ailleurs. Cela n’a de sens que si l’on ne le fait pas seul. Et jamais sans exposer sa vision à ce satané principe de réalité. Bienvenue dans la V2 de notre raison d’être et heureuse ballade dans ce premier mensuel.
Context is King /-)
–
Crédit photo http://www.flickr.com/photos/toptechwriter/2406913018/
]]>Nous sommes allés rencontrer Steven*, un jeune de vingt-trois ans, utilisateur régulier de Chatroulette. Il nous explique comment il a découvert le site. “J’étais sur Facebook et quelqu’un a posté un lien vers Chatroulette, j’ai cliqué sur ce lien et je suis arrivé sur le site.” Ce site se présente d’une manière simple, deux fenêtres où s’affichent les vidéos et une fenêtre permettant de discuter. “J’ai donc allumé ma webcam et ai appuyé sur le bouton Start, ma tête est apparue sur une fenêtre et la tête de quelqu’un d’autre dans l’autre fenêtre. Nous avons alors discuté pendant cinq minutes. C’était une fille qui habitait à New-York. À un moment, elle a disparu. C’est alors que j’ai compris qu’on pouvait passer d’une personne à une autre grâce au bouton Next.” Le site, dans son fonctionnement rappelle un autre site sorti il y a quelques mois, Omegle. Il connectait dans une fenêtre de chat deux inconnus tous les deux connectés au site. L’idée en plus sur Chatroulette, c’est la vidéo.
La connexion aléatoire permet donc de tomber sur n’importe quoi, et bien évidemment, s’y retrouvent tous les pervers du Net. À la moindre pression du bouton Next, il est fort probable que l’image que vous voyiez soit un homme demandant à voir vos seins, voire même, et c’est hélas trop fréquent, un homme en train de se masturber face à la caméra. Et quand ce ne sont pas des images explicites, c’est pire, avec des personnes déguisées en chat, laissant imaginer les pires fantasmes ou des vidéos automatiques. Et le plus grave, c’est que ce site n’est pas interdit au moins de 18 ans. Il y a seulement, sur la page d’accueil, la mention “You have to be at least 16 years old to use our service” ainsi qu’une précision sur le fait que les images pornographiques, obscènes, offensantes ne sont pas tolérées et que celles-ci seront bloquées. Mais rien n’indique que c’est fait et surtout, rien ne vérifie si l’utilisateur a bien plus de 16 ans.
Nous sommes entrés en contact, grâce à ce site, avec un jeune homme, Antonio*, qui habite au Brésil. Il a 15 ans et c’était sa troisième utilisation de Chatroulette. Il nous a expliqué visiter le site pour s’amuser après l’école et pour se faire des amis. Interrogé sur le nombre forcément impressionnant de sexe d’hommes qu’il a pu voir, le jeune homme rigole et nous dit qu’il suffit de presser “Next” pour ne pas les voir. Pourtant, lors de notre test, nous avons été confronté à plus de 25 pénis en cinq heures d’utilisations. Nous demandons alors au brésilien pourquoi ses parents le laisse fréquenter ce site. “Mes parents ne savent pas ce que je fais sur Internet.”
Nous sommes maintenant à l’Assemblée Nationale. Dans son bureau du bâtiment Chaban-Delmas nous avons rencontré un député UMP et lui avons montré une vidéo de notre expérience sur ce site. Sa réaction était à la hauteur des insanités visibles. “Comment peut-on laisser nos enfants face à de tels sites, à la merci du premier pédophile venu ? Heureusement, avec des lois telles que la LOPPSI, en discussion actuellement à l’Assemblée, nous pourrons filtrer des sites aussi dangereux que ça pour la sécurité de nos enfants.”
Revenons au jeune brésilien. Quand on lui fait comprendre qu’il pourrait rencontrer des pédophiles sur le site, il élude notre remarque. “N’importe qui peut me parler, mais j’ai le choix de tout de suite le nexter. De toutes façon, si la personne à qui je parle est trop vieille, je la nexte tout de suite. Et une fois que je l’ai nextée, aucun moyen pour la personne de me retrouver. C’est plus dangereux quand je me promène dans la rue, à la merci d’un exhibitionniste.”
Pour en savoir plus, nous avons tout d’abord tenté de discuter avec une femme montrant ses seins. Après de nombreuses tentatives de chat, nous nous sommes finalement rendu compte qu’il ne s’agissait que d’une vidéo tournant en boucle sur le site.
Nous avons donc essayé de poser des questions à un homme se masturbant, pour connaître ses motivations. Après de nombreux refus ou des demandes à notre reporter de se déshabiller, un homme, Jérémy*, a accepté de nous répondre tout en continuant à toucher son sexe. Il nous a expliqué que Chatroulette était pour lui un moyen de s’amuser avant de se coucher. En montrant son sexe, il dit être clair sur ses intentions avec les autres visiteurs et apprécie lorsque quelqu’un de l’autre côté de la webcam accepte de jouer avec lui. Lorsque nous lui demandons ce qu’il entend par jouer, voilà sa réponse : “Le fait de se caresser devant une autre personne faisant la même chose, de pouvoir interagir avec elle et de répondre à ses demandes est très excitant. Bien plus qu’un film pornographique.” Le principe est connu sous le terme de cam2cam et les demandes y sont très crues. Il y a quelques mois, nous avions filmé la pratique sur un chat où un internaute commençait par “Coucou, tu veux voir ma bite“. Il ajoute que sur Chatroulette, le fait de le faire avec quelqu’un d’inconnu permet d’ajouter du piquant et surtout, de ne pas risquer de rencontrer la personne qui a montré son sexe ou ses seins le lendemain dans la rue.
Valérie*, de l’Association Action Innocence nous raconte l’expérience des chats avec les inconnus. “Les enfants doivent toujours être attentifs et ne jamais donner d’informations personnelles et toujours penser que la webcam peut-être enregistrée. S’il tombe sur des images qui le choque, dites-lui que c’est tout à fait normal d’être choqué. C’est le rôle du parent d’expliquer à l’enfant qu’il n’est pas coupable et que c’est important d’en parler.”
Un sociologue a développé une thèse sur la Génération Zapping. “Alors que nous prenions le temps de rencontrer des gens, de nous séduire et de discuter, les jeunes aujourd’hui sont dans la consommation, le zapping. L’émission Next sur MTV donne ainsi une idée de ce qui se passe au niveau amoureux chez les jeunes. Un jugement rapide sur l’apparence et pas du tout sur les critères normaux. À n’en pas douter, le fait qu’un jeune homme au physique ingrat se fasse trop souvent nexter sur Chatroulette aura des conséquences désastreuses sur son avenir. Et il est urgent d’éviter de telles dérives, sans quoi nous aurons des vagues de suicides Chatroulette.”
Martin*, père de famille, nous donne son avis sur Chatroulette : “Sur le site, il existe bien un moyen de reporter du contenu illicite, mais cela ne semble pas marcher tant le nombre de vidéos offensantes est important. Ce site est dangereux, très dangereux. Je suggère à tous les parents d’en interdire l’accès à leurs enfants. Hélas, le fait que le site soit russe me laisse penser que nous ne pourrons pas le supprimer facilement.”
Sur Internet, personne ne sait que vous êtes un chien
C’est la raison pour laquelle nous nous rendons en Russie, à Moscou. Nous venons de faire la connaissance d’Andrey. Andrey, si on le rencontre c’est parce que c’est à lui que l’on doit l’odieux site. Tout d’abord, lorsque nous rencontrons Andrey, ce qui nous choque, c’est son âge. Il a 17 ans et est donc encore mineur. “Si j’ai créé le site, c’est avant tout pour m’amuser. Je trouvais ça tellement drôle de parler avec mes amis sur Skype que je me suis dit que j’allais faire la même chose avec le monde entier. Malgré l’absence de publicité pour le site, les gens ont commencé à venir sans que je ne sache comment. Et de 10 à 50 connexions simultanées, cela est vite grimpé jusqu’à plus de 20 000 aujourd’hui. Je trouve cela génial que mon site soit un simple concept qui ait une utilisation différente pour chacun. Certains pensent que c’est un moyen de s’amuser, d’autre un moyen de se connecter au monde et d’autres enfin que c’est un site de rencontres. Que des gens l’utilisent de manière pas très sympathique ne me plaît pas trop, mais d’autres l’utilisent d’une façon tellement fantastique que ça m’éclate d’avoir fait Chatroulette et que c’est un plaisir que de travailler dessus.”
Ce site prouve donc à quel point Internet est un endroit dangereux et une zone de non-droit. Le site est hélas encore accessible aujourd’hui, et vous n’imaginez pas combien de sexe en érection sont déjà apparus sous les yeux de vos enfants alors que vous regardiez ce reportage.
*les prénoms ont été changés
disclaimer: ce reportage n’a pas été encore diffusé et a été inspiré par ces articles (l’interview de Andrey, Bits, Glazman, Slate.fr, Abstrait≠Concret, Le Post, Action Innocence) et par un reportage existant ainsi que par de réelles conversations et expériences sur Chatroulette. Les images viennent de captures d’écrans de Chatroulette faites par un site sur Tumblr.
—
> Photo d’illustration en page d’accueil par SykoSam sur Flickr
]]>Cliquer ici pour voir la vidéo.
Source : Mashable
]]>Juste bluffant artistiquement parlant, et intéressant d’un point de vue “usages”. Ce qui m’amène deux réflexions :
– il est possible qu’un individu crée à la demande (user generated content), et ainsi de générer ce que j’appelle des “instant communities”, autrement dit attirer l’attention en fédérant autour d’un événement éphémère.
- le coup du musicien doué un peu bizarre, ça plait toujours autant aux filles ;-)
Cliquer ici pour voir la vidéo.
Initialement publié sur Stan&Dam.
]]>“Un jour chacun aura droit à son quart d’heure de gloire” prophétisait Andy Warhol en 1968… Fasciné par le potentiel de la télévision en tant qu’accélérateur de popularité ordinaire, le Pape du Pop-Art aurait sans aucun doute adoré Chatroulette ! Cette monstrueuse création d’un jeune programmeur russe de 17 ans, Andreï Ternovsky, pousse en effet la logique wharolienne encore plus loin en donnant vraiment à N’IMPORTE QUI la possibilité de s’offrir une petite minute de célébrité undergound.
On y va le plus souvent animé d’une curiosité malsaine (”Oh mon dieu…sur qui ou plutôt quoi vais-je tomber ?”), pour ressentir le frisson de la rencontre du troisième type (plus destroy que sur Meetic)…et surtout dans l’espoir d’y voir des femmes en tenue d’Eve quand on est un geek solitaire normalement constitué. Las, en se connectant, l’impétrant a presque 1 chance sur 10 de tomber sur un homme dans le plus simple appareil…se livrant à différentes manipulations onanistes. Certains utilisateurs ont même croisé des nazis de pacotille en plein ébats avec leur poupée (que l’on espère gonflable). Les autres rencontres par webcams interposées peuvent être boutonneuses (délires d’ados plus ou moins intelligibles), gênées (”Heu…on a rien de se dire”), masquées (forcément façon psychopathe type Hannibal Lecter), j’en passe et des meilleures.
Mais le coup de génie du jeune concepteur de Chatroulette est d’avoir prévu un bouton “Next” : on peut zapper en un clic le crétin qui chante Manureva à tue-tête d’une voix de fausset, ou l’obsédé qui vous montre son engin comme si c’était le Saint Graal… D’où cette expression en vogue : se faire “nexter”.
Pour en savoir un peu plus sur ce qui vous attend, je vous renvoie sur cet excellent reportage publié sur le site Abstrait/Concret sous le titre évocateur “De l’art de socialiser en mâtant les seins”. Un monument de gonzo-journalisme, j’ai adoré…alors que l’expérience Chatroulette en elle-même aurait plutôt tendance à me déprimer. J’ai testé 20 minutes : je n’ai pas vu de créature montrant ses seins, que des jeunots surexcités ou de pauvres hères, me suis fait nexter toutes les 30 secondes (n’ayant rien d’autre à offrir que mon air circonspect), ça m’a gonflé…mais il faut peut-être que je persévère. Pour se faire une idée rapide en images, vous pouvez aussi jeter un oeil sur ce Best of Chatroulette qui collationne les “meilleures” captures d’écran. Instructif dans le genre exhibo-narcissique débile. Mais forcément un peu lassant à la longue.
A voir tous ces petits égos désespérés crier dans le vide “regarde moi j’existe” ou “par pitié montre moi tes seins”, on pense forcément à un Houellebecq narrant la solitude et la misère sexuelle du mâle occidental dans ses “Particules élémentaires”. Un truc de looser Chatroulette ? A voir.
Sur un blog aussi serious que Mon écran radar, il nous fallait des chiffres pour prendre toute la mesure du phénomène. Bonne nouvelle, au hasard de mes divagations sur le Net, je suis tombé sur cette étude américaine toute fraîche en date du 1er mars : “Chatroulette : an initial survey”. C’est signé webecologyproject.org et c’est fort instructif. Ces gens là, des universitaires tout ce qu’il y a de plus sérieux, ont ausculté plus de 200 sessions de Chatroulette entre le 6 et le 7 février dernier. Ils ont aussi interviewé en direct live 30 utilisateurs du site. Autant dire qu’ils n’ont pas du dormir beaucoup et se payer une bonne tranche de rigolade…avant d’être rattrapé par la déprime post-traumatique.
Il ressort en effet de cette étude de terrain que 87 % des habitués de Chatroulette sont des hommes (pour les nuls en calcul ça fait seulement 1 chance sur 10 seulement de tomber sur une femme) et que la moyenne d’âge oscille entre 18 et 24 ans. Andreï vous l’a bien dit : il a créé ce truc pour ses congénères… Là où cela devient intéressant, c’est que l’enquête nous livre des stats précises sur ce que l’on peut voir sur Chatroulette : 80 % des gens postés face à leur webcam sont heu…”normaux”. Du moins en apparence. C’est à dire habillés. Les adeptes en solitaire sont fortement majoritaires (86 %), mais il y a aussi ceux qui pratiquent en groupe : 13 % à deux, 1 % à trois ou plus…
Mais, attention ça se corse: 9 % portent un masque ou ont altéré leur image façon photo-shop pour musée des horreurs. Et, heu… 7 % ne portent “rien”, bref se la jouent Cap d’Agde en direct de chez eux (voilà qui devraient plaire à Houellebecq). Tandis que 5 % montrent explicitement leurs “parties génitales” précisent doctement l’étude. Bien 7 + 5 ça nous ferait quand même 12 % d’exhibitionnistes et autres obsédés de la chose sur le bien nommé Chatroulette… Mais compte tenu de la taille relativement modeste de leur échantillon, les chercheurs de webecologyproject estiment plus raisonnablement le nombre réel des agités de la braguette “entre 5 et 8 %”.
Nos amis universitaires qui ne s’arrêtent pas aux premières impressions considèrent que “Chatroulette représente l’un des premiers exemples contemporains de communauté en ligne par voie de probabilité”… Après les réseaux sociaux classiques type Facebook où l’on retrouvait ses amis, ceux comme Twitter où l’on construisait son audience par agrégation méthodique de “followers”, le Web 3.0 serait donc en train de donner naissance à des communautés totalement aléatoires…Wow intello le concept ! Après tout plus on est connecté, plus on est seul, moins on a de vrais amis, alors pourquoi pas s’en remettre au pur hasard pour se socialiser un tant soit peu ? Voilà qui devrait plaire à toute une génération de “No Life” bronzés à la lumière blafarde de leur écran 19 pouces.
Mais Chatroulette peut-il déboucher sur autre chose qu’une vaste cour de récré pour ados attardés ou un nouveau terrain de jeu pour l’industrie du X ? Certainement, estiment les auteurs de l’étude décidément optimistes : “A mesure que la presse s’intéresse au phénomène et que de nouveaux utilisateurs arrivent, de nouveaux usages non sexuels vont se développer” avec du divertissement (pfff encore de l’humour LOL à deux balles), mais aussi des contenus plus créatifs voir artistiques. Art-Vidéo ? Installations visuelles ? Happening en direct de la Factory ? C’est ce bon vieil Andy qui serait content. Les auteurs de l’étude prédisent même l’avènement de véritables stars de Chatroulette qui pousseront les gens à se connecter dans l’espoir d’assister à un show one to one. Un jour, grâce à cette révolution médiatique permanente nommée Internet tout le monde sera célèbre, ne serait-ce qu’une petite minute : Warhol ne savait décidément pas à quel point il avait raison.
]]>Billet initialement publié Sur Mon Ecran Radar
Subtilement, comme un frémissement de la force seulement perceptible de Maître Yoda, la République de France et son corollaire planétaire, basculent vers un empire numérique d’Après. J’ai commencé à m’en rendre compte à l’époque du vote d’Hadopi, au nom de la sacro-sainte liberté des ayants droit à sauver leur business malmené par le téléchargement. J’attends donc que la rébellion guidée par ce jeune puceau brushingué pilote de X-wing vienne foutre le bordel. Mais j’ai un doute.
Ça a commencé par une petite loi, répercutée en Suède ou au Royaume-Uni, qui n’a pas ému grand monde. Après tout, que les gamins se remettent à consommer légalement la daube packagée par Pascalou et ses amis n’est pas un sujet de prime importance dans un monde soumis au diktat des crises économiques et écologiques. Sauf que. Sauf que personne ne s’est réellement indigné, dans l’opposition ni l’opinion publique qu’une industrie culturelle s’interdise, et fasse interdire le mouvement vers le renouveau et rende pirate toute réflexion autour d’une alter-consommation.
Un peu comme si la filière charbon au milieu du xxe siècle s’était mise à imposer un produit salissant et économiquement non neutre contre la technologie électrique, mélangeant un discours réel de danger nucléaire et de faux arguments concernant la difficulté à produire ensuite des calorifères efficaces. Obligeant le monde entier à se salir les doigts, descendre à la cave avec le seau à charbon pour nourrir le poêle alors que tout un chacun pourrait produire son énergie éolienne. Ceci au prétexte que les constructeurs d’éoliennes ne se préoccuperaient que très peu des artistes et de leur possibilité de se nourrir. Il faut bien manger qu’ils disent. Moi je réponds que d’habitude, quand on va produire une Renault en Turquie ou qu’on ferme une aciérie de Lorraine, on s’en occupe assez peu de la perte d’emploi et de la galette de riz qu’on mange.
Ainsi, une industrie a réussi a faire légiférer contre le plaisir de la population, sur des principes liés à la consommation de fichiers numériques ou de rondelle irisée. Que nombre de groupes contemporains se soient créés en accédant au vivier Napster, que plein de gens puissent avoir accès à une forme de culture musicale ou cinématographique, que les mêmes industries culturelles Warner, Sony… vivent déjà en partie des reports financiers de la population du disque et du DVD vers l’informatique, les concerts devenus hors de prix ou les jeux pour consoles nouvelle génération… Tout cela importe peu.
Plutôt que de réfléchir à un autre business possible (les revenus numériques d’Universal ont progressé en 2009… qui en a parlé ?), plutôt que de promouvoir une autre forme d’économie mélangeant stream, concert et merchandising (cf. ma réflexion ici), ils ont préféré refermer la porte du pied comme pour éviter le courant d’air.
Ça a commencé comme ça, dans ma réflexion de Padawan. Une législation liberticide a interdit la remise en question. La crainte de licenciement, l’image de l’artiste sonnant à la porte de Mécène pour quémander son panier d’artiste a eu raison de la réflexion globale, innovante, différenciée.
Puis il y eut les pédophiles, les jeux vidéos violents et les petits n’enfants qui risquent de tomber sur les bites de Chatroulette, les vilains mafiosos aussi qui polluent la planète et droguent les fils de bonne famille… Loin de moi l’idée de cautionner pédophilie ou mafia. Loin de moi l’idée de tenir un discours tout rose quant à internet. Mais de la crainte naquit le vote de Loppsi.
Je n’ai pas envie que ma progéniture se fasse alpaguer par un pédophile sur MSN. Je n’ai pas envie qu’un guignol squatte ma page Facebook ou se mette à vendre du Viagra via mon blog (il l’a déjà fait le bougre). Pourtant je m’insurge contre le relatif manque d’implication de la population contre Loppsi. Ces mêmes gens qui s’insurgent contre les teubs sur Chatroulette et qui n’ont aucun scrupule à laisser des bouts de chou de moins de trois ans à de parfaits inconnus ou presque, appelés nounous agréées. Ces mêmes gens qui regardent nos chaînes nationales et ne détournent pas les chastes yeux du JT où pleuvent les cadavres, ou des teasers de CSI plein de macchabées. Ces mêmes gens qui oublient que l’usurpation d’identité est déjà un délit pénal, que la pédophilie est déjà condamnée et qu’on peut aussi élever sa progéniture, à partir d’un certain âge, une fois qu’on a décidé ensemble de désactiver le logiciel de contrôle parental. Prendre le temps d’apprendre ce qu’est une e-réputation et quels sont les mécanismes des connards cachés derrière le web.
Ils ont voté Loppsi dans une indifférence quasi généralisée. Parce que Facebook c’est le mal et ça s’attaque à tes données privées. Parce que Google stocke tes données personnelles pour t’envoyer des pubs ciblées. Mais ils se moquent pas mal de savoir qu’il faudrait un « pas grand-chose » pour que les infos de la carte vitale soient reliées à un assureur ou qu’on utilise Navigo et puce de GSM pour savoir précisément où on se trouve. Pour un but largement moins coton que me fourguer des publicités liées aux services mobiles. Ils ont oublié que Facebook ne se nourrit que de ce qu’on lui donne et que c’est avant tout d’éducation aux nouveaux médias et à l’identité numérique dont les ados ont besoin, plutôt que d’interdiction au sens rétro du terme.
Parce qu’une loi et une interdiction c’est un écrit à double tranchant. Parce que si tu donnes une loi à un homme ,il sera protégé un jour, si tu l’éduques, il sera protégé toute sa vie…
Pendant ce temps, de l’autre côté des Alpes, Berlusconi usant des mêmes types d’armes a décidé de faire taire les webtv qui gênent un peu trop le discours lissé à grand frais de communication télévisuelle. Ils ont voté Loppsi et il n’y a plus qu’à espérer que jamais un gars comme Pétain (notez je ne dis pas Hitler pour ne pas atteindre le point Godwin) ne revienne en France et ne décide de valoriser le travail, la famille, la patrie ; quitte à éradiquer au nom de la morale, les activistes du web qui oseraient nuire à l’ordre public en instillant des idées perverties dans les jeunes cerveaux.
« #Merilest fou » es-tu en train de penser. Oui sans doute un peu. Heureusement que la France ne se met pas à repenser des discours d’identité nationale ou que l’Hexagone ne se mette pas à fustiger une partie de la population pour des notions de religion ou de port de casquette de travers… hein. Heureusement dites. Ok « #merjesuisfou » quand même.
L’Empire galactique marque le retour du règne Sith sur la galaxie, après celui de la démocratie sous la protection du Conseil Jedi. L’Empire est une formidable machine de guerre, associant un grand nombre de vaisseaux et une technologie importante. De nombreuses découvertes sont faites. Cependant, il y a quand même un point noir sur le plan social ; l’Empire galactique a régressé par rapport à la République. En effet, c’est un empire xénophobe, qui privilégie les humains aux autres espèces de l’Univers. Les infractions à la loi sont rapidement suivies d’exécutions ou de sanctions très importantes. Son armée est composée de non-clones entraînés dans des mondes comme Carida.
Ils ont voté Loppsi. Puis on a annoncé l’iPad. Un gros iPhone en somme. Apple a annoncé l’iPad et les médias se sont engouffrés dans la brèche. Parce que quand même c’est hype un Steve Jobs. C’est un truc végétarien qui fourmille de bonnes idées, même après être revenu de chirurgie. Ils n’ont pas tout à fait tort les journalistes. Mais surtout ils se remettent à rêver. Enfin pas forcément le pigiste chargé de l’analyse technique de l’engin, non non. Son chef, et le chef de son chef. Et l’actionnaire qui investit depuis des années des ronds dans un truc qu’il a du mal à rentabiliser. Et son collègue du gouvernement qui subventionne chaque année un truc qui dit parfois du mal et ne rapporte pas toujours.
Apple a annoncé l’iPad et la presse s’est mise à rêver pour elle-même des modèles économiques de l’App Store. On pourra revendre des pages web comme on vendait jadis des journaux. On va pouvoir faire de l’Internet payant, ajouter de la valeur à nos rédactions, à tous ces fainéants qui composent nos rédactions. On va les appeler journalistes globaux. On les payera au papier et ce papier on le poussera sur tous les médias payants. One fits for all. Qu’importe si l’info qu’on relaie est strictement la même que celle du voisin branché lui aussi sur l’AFP, qu’importe si, de fait ,de journal d’opinion on est surtout devenu une entreprise avec un comptable et des comptes de résultats, des familles et des bouches à nourrir. L’App Store appliqué à la presse serait la panacée. Le Graal. Comme les copains des maisons de disques, on n’aura pas à se poser la question de notre valeur ajoutée, de notre mode de fonctionnement, de notre utilité ou du rôle de notre métier dans un monde qui va généralement plus vite que notre structure à l’ancienne. L’information va redevenir payante, youpiiiii les gens seront prêts à acheter le bousin et nous à repartir comme en 40 euh non, comme en 45. Restera juste à fustiger un peu ces cons de blogueurs et prédire leur mort annoncée. Ils l’ont déjà fait ? naaaaaaaaan
Depuis une semaine, Orange prétend qu’il y a Internet et Internet par Orange. Et tout le monde s’en fout. L’App Store a ouvert la voie. Défriché les réticences. Ben oui puisqu’il y a services mobiles et App Store. Puisqu’il y a Internet et Internet sur iPad, pourquoi n’y aurait-il pas aussi Internet et Internet par Orange. De l’Internet enrichi, selon la publicité de l’opérateur. De l’Internet qui donne envie de venir chez nous. Quoi Internet c’est neutre ? Ben non regarde, Apple a décidé qu’il n’y aurait pas de fille nue dans son internet propriétaire, et il n’y a pas de fille nue dans l’Internet par Apple. Oui quoi oui ok y’a le navigateur sur l’iPhone. Vous avez déjà fait le test ? Qui va encore sur le navigateur quand il a les applications idoines validées par Steve Jobs. Et puis quel navigateur d’abord ? Le navigateur Internet ou le navigateur Internet par Orange d’après Loppsi et filtré Hadopi.
Oiseau de mauvais augure, m’entends-je répondre. Placer Pétain dans une chronique est de mauvais goût. Tu sais bien que la France ne sera jamais une dictature. Regarde le tollé quand Le Pen est arrivé au second tour. Oui. Vous n’avez pas tort.
Le pire, c’est que ce que je crains le plus n’est pas un putsch dictatorial à la Palpatine, façon grand complot stellaire. C’est un putsch de démocratie économique. Quand nous serons bien mûrs. Quand nous aurons ré-appris à acheter le dernier Michel Sardou, à payer pour un DVD de film blockbuster, voire à repayer pour la catch up d’un film qui est déjà passé à la télévision… La dictature économique risque d’envoyer toute réflexion, toute réelle liberté d’expression, toute remise en question des modèle au rang des oubliettes de l’histoire contemporaine.
Quand Overblog ou OVH se sera mangé ses X procès pour mauvais contrôle des contenus publiés, vont-ils continuer à fournir un accès de base à tarif tout démocratique ? Quand on aura mis en cause le FAI pour le fichier illégal ou irrévérencieux passé par son réseau, quand la controverse ne sera plus possible donc plus génératrice de pages vues publicitaires ; leur modèle économique sera-t-il encore viable ? Sera-t-il économiquement intéressant de proposer des modèles démocratiques ou gratuits et publicitaires ?
Quand la France aura connu ces premiers procès retentissant liés au téléchargement illégal, les maisons de disques continueront-elles à nourrir Spotify et Deezer (qu’elles sucent au sang en ce moment en attendant des jours meilleurs) ? Quand il faudra payer pour lire Slate, Libé, Le Figaro ou Le Post, quand émettre un commentaire sur Rue89 sera payant est-ce qu’on aura encore un large panel de commentateurs représentés, un large choix de lecture d’opinion ou faudra-t-il se résoudre à l’économie et à la pensée d’une seule source? Quand il faudra systématiquement payer pour obtenir un contenu musical, voir un film ou une série américaine qui, à part les maffias et les marchands de disque dur, pourront encore enrichir leurs connaissances, développer leur créativité au vu de la diversité.
Quand il faudra additionner le coût de la VOD au jeu Playstation, quand ce coût viendra s’ajouter aux frais de stockage de photos sur le web, et à l’hébergement web, quand cette facture viendra s’enrichir de celle de l’internet ++ avec Orange et de l’accès au portail 3G++ de Vodafone… qui aura encore accès aux web, qui pourra encore poser une idée divergente, un avis, un concept qui ne soit pas d’abord filtré par l’accès au portefeuille et la possibilité de sortir les biffetons supplémentaires. Certaines entreprises mettront la clé sous la porte. D’autres se repenseront. Sans doute celles moins « mainstream » ou ciblant une niche. Celles capables de se réinventer rapidement (ce que n’ont pas su faire les industries culturelles pour info)
En quoi le net sera-t-il encore neutre, multiple, nourri de mille voix ? En quoi les entreprises de presse, les médias et les industries culturelles seront appelées à innover sous peine de mort poussée par une foule plurielle, consommatrice mais autrement.
Où naîtra la vraie réflexion, la pensée multiple opposée à la pensée unique validée par Loppsi et les gouvernements ? Où se diffuseront les étincelles de génie et les brasiers contestataires. Où sera-t-il possible de trouver le contraire du pire et de se former à ne pas se laisser berner par le pire au contraire ?
Hadopi, Loppsi, Ipad, ACTA, Patriot Act, lois italiennes, Internet et Internet par Orange se sont bousculés dans ma tête cette nuit au milieu d’un rêve de geek. J’ai entrevu l’ère digitale de demain qui ressemble presque à l’image que Korben en a faite. Pire encore, parce que chacun de ces éléments sera venu en loucedé, discrètement, à la faveur d’une faillite économique, d’un procès retentissant, d’une charge contre l’immoralité.
Petit à petit. Pas à pas et de démission publique en impression de ne pas être concerné. Derrière des hurlements de cabri sur telle ou telle trivialité du paysage politique. Tout se met en place pour un appauvrissement de l’offre gratuite, démocratique et le retour des anciennes pratiques économiques remodelées à l’usage du web. Après il ne reste plus que le passage d’un Aigle ou d’un Pétain du XXI e siècle pour que comme ça, gentiment de « rien à foutre » en WTF nous ayons nous-mêmes laissé se créer un nouveau monde policé et moraliste.
Reste à espérer que ce jour là la France des Lumières que j’ai toujours encensé se réveillera, mue par un commun intérêt (la liberté ? Le pouvoir d’achat ? La fin du capitalisme financier ?) et s’en ira prendre la bastille numérique. Ce jour là je ferai partie du corps brabançon et porterai sur la poitrine ma cocarde planétaire.
Le manque de liberté attise les rébellions, et bien que de nombreux systèmes n’osent pas combattre par peur des représailles de l’Armée impériale, un groupe de rebelles intrépides ose s’opposer à lui. Ils infligent beaucoup de pertes aux impériaux grâce à des techniques de guérilla.
@Emgenius
Plus+
Toutes mes références historiques sont tirées d’ici
—
> Toutes les illustrations proviennent de la merveilleuse galerie Flickr Stormtroopers 365 de Stéfan
]]>Phénomène ou mode passagère, le site chatroulette voit son nombre d’utilisateurs augmenter et (surtout) commence à beaucoup faire parler de lui sur les médias traditionnels. Cette notoriété grandissante me fait craindre une instrumentalisation des dangers liés à ce site par les défenseurs du filtrage du net et du projet de loi LOPPSI.
Pour ceux qui n’ont pas encore entendu parler de chatroulette, il s’agit d’un site web très simple qui permet de discuter en direct via webcam avec des internautes du monde entier de façon “aléatoire” (d’où le nom “chat-roulette”). Comme le démontre cet article de Vincent Glad sur Slate.fr, chatroulette semble être vite devenu un endroit où se mèlent (rares) discussions intéressantes et exhibitionnisme, où l’on risque à tout moment de tomber sur des images plus qu’inappropriées pour des mineurs. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle chatroulette fait parler aussi vite de lui dans les médias traditionnels, d’habitude peu prompts à parler des “phénomènes” issus de la toile avant qu’ils ne prennent une énorme ampleur. De plus, le site est relativement dépourvu de réels contrôle, modération ou avertissement : un clic suffit pour se connecter et risquer de tomber sur des images qui risquent de choquer les plus jeunes. Quelques phrases sur le site sont censées mettre en garde l’internaute mais on sait à quel point les pré-ados et ados respectent les interdits (surtout quand ils sont écrits en anglais).
Alors que le débat sur la LOPPSI n’est pas encore terminé (voté par l’Assemblée Nationale, le projet est désormais entre les mains du Sénat), les apôtres du filtrage du net pouvaient-ils rêver mieux pour prouver que l’internet est sale, capable du pire et qui doit absolument être filtré ?! L’existence d’un tel site peut vite devenir la preuve idéale et “irréfutable” des dangers d’internet pour le grand public. La preuve qu’il faut absolument que nos élus fassent quelque chose pour défendre nos enfants contre le grand méchant internet.
Et en effet, il n’a pas fallu attendre longtemps : tout à l’heure la secrétaire d’Etat Nadine Morano, interrogée par Canal plus à propos de chatroulette, parlait de “filtrage” pour protéger les jeunes contre les dangers du site. Nul doute que les interventions de ce type se multipliront dans les prochains jours et qu’il faudra redoubler d’efforts pour lutter contre le filtrage du net et expliquer que la censure n’est pas la solution contre ce genre de dérives du net.
Car si ces dérives sont bien réelles, elles ne justifieront jamais que nous déléguions la vigilance et la prudence nécessaires sur le net à une autorité supposée supérieure. On me rétorquera que certains parents n’ont pas forcément les compétences pour protéger leurs enfants. C’est pour cette raison que la lutte contre la fracture numérique devient si vitale à notre société, qu’il faut “éduquer” les citoyens à l’usage d’internet comme il faudrait les former à lire les journaux ou à regarder la télévision de manière critique. C’est aussi en favorisant l’accès à des outils libres et gratuits de contrôle parental. C’est sur ces pistes que devraient se pencher nos élus. C’est ainsi que doit répondre une société moderne à un problème contemporain et non en imposant une censure qui ouvre la porte aux pires dérives.
]]>Article initialement publié sur Le Panoptique
Photo sur c a r a m e l sur Flickr
Amour sur vous tous.
—
C’était le buzz de ces dernières semaines sur le web : Chatroulette, un chat vidéo aléatoire avec un internaute du monde entier. Comme à la loterie, on ignore sur qui – ou quoi – on va tomber : un être humain, une bite, sa voisine… Une socialisation trash interdite au moins de seize ans.
On ignorait jusqu’à présent l’identité de l’auteur du site. Le blog Bits, du New York Times a réussi à lever le mystère de la plus simple des façons, en envoyant un questionnaire par mail sur le site. M. Chatroulette s’appelle M. Ternovskiy, et c’est un étudiant moscovite de 17 ans. Loin des adolescents obsédés par les filles qui comptent parmi les fans de Chatroulette, le jeune homme est surtout un bel exemple de la génération Y.
Voici la traduction de ses propos :
” J’étais pas sûr de savoir si je devais dire au monde qui j’étais car je suis mineur. Maintenant, je pense que ce serait mieux de me dévoiler.
J’ai créé ce projet pour m’amuser. Au début, je n’avais pas d’objectif commercial. Je l’ai créé récemment. J’étais et je suis toujours moi-même un adolescent, c’est pour ça que je sentais ce que les autres adolescents voulaient voir sur Internet. J’aimais moi-même parler à des amis avec Skype en utilisant un micro et une webcam. Mais finalement on s’est lassé de se parler les uns les autres. J’ai donc décidé de créer un petit site pour moi et mes amis où nous pourrions nous connecter aléatoirement avec d’autres gens.
Cela n’a pas été si facile pour moi de le créer, mais je code depuis l’âge de 11 ans (grâce à mon père qui m’a amené tôt sur le web – la plupart des mes connaissances viennent de là).
Je n’ai pas fait de publicité pour mon site et je n’ai rien posté à son sujet, mais d’une façon ou d’une autre, les gens ont commencé à en parler entre eux. Et l’information s’est mise à circuler. C’est ainsi que le nombre d’utilisateurs simultanés est passé de 10 à 50 puis de 50 à 100 et ainsi de suite. À chaque fois que le nombre d’utilisateurs a augmenté, j’ai dû complètement réécrire le code, parce que mon logiciel et l’équipement ne suivaient pas. Je n’aurais jamais pensé que faire face à une charge pareille serait la part la plus difficile de mon projet.
Comme la base d’utilisateurs grandissait, les factures de bande passante et d’hébergement ont commencé à augmenter. Je suis content que mes proches m’aient aidé sur ce point en ‘investissant’ un peu d’argent dans mon idée.
Cela n’était pas une somme importante, je n’ai donc pas pu m’acheter de nouveaux serveurs, à la place j’ai dû optimiser mon code autant que possible. Je dois dire que beaucoup de gens m’ont aidé et m’aident encore quand j’ai des questions sur le code. Je leur en suis très reconnaissant. Je continue cependant à tout coder moi-même. J’aimerais partager mon travail avec quelqu’un d’autres mais je ne suis pas aux USA, et la plupart des gens intéressés sont loin de moi, car je vis à Moscou. Donc je dois encore tout faire moi-même. Mais je ne m’inquiète pas.
J’aime ce que je fais. C’est comme un jeu pour moi. Je fais des découvertes Je résous des problèmes intéressants.
Chatroulette utilise sept serveurs haut de gammes tous situés à Francfort, en Allemagne. Le débit réseau est de sept gigabits par seconde, j’utilise différentes technologies pour minimiser la consommation de bande passante. Mais beaucoup de bande passante est toujours consommée. Les montants des factures de bande passante me choquent en tant qu’adolescent mais je ne me fais pas de soucis. Je suis content que les gens manifestent de l’attention envers le projet, j’ai reçu des offres intéressantes qui pourraient certainement aider mon projet à survivre et à s’améliorer.
La publicité sur Chatroulette est gardée au minimum, car il existe de nombreux sites plein de publicité qui vous distraient de ce que vous voulez faire sur ces sites. J’aime aussi le minimalisme. C’est pourquoi je n’ai mis que quatre liens publicitaires en bas de page. Et ce qui est intéressant, c’est que ces publicités couvrent quasiment toutes les dépenses, seulement ces quatre liens en bas!
Je pense que c’est merveilleux de ne pas avoir à mettre beaucoup de publicité sur mon site pour qu’il continue de fonctionner. Je ne suis pas sûr de savoir pourquoi. Peut-être parce que Google AdSense (l’outil que j’utilise pour afficher les publicités) affiche des liens vers divers chat vidéos. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose. En fait je pense même que c’est une bonne chose, car seuls les gens qui ne sont pas intéressés ou qui sont fatigués d’utiliser mon site cliquent sur ces liens, pour explorer d’autres services.
Je suis conscient que Chatroulette est populaire aux USA. C’est intéressant mais je n’ai moi-même jamais été aux USA. Pourtant la plupart des utilisateurs de mon site viennent de là. J’aimerais visiter les USA.
En fait je pense que le mieux serait que Chatroulette soit une entreprise basée aux USA. Mais c’est juste une idée.
J’ai toujours voulu que Chatroulette soit quelque chose d’international. C’est pour cela que j’ai choisi l’Allemagne pour l’hébergement, parce que c’est à mi-chemin entre la Russie et les USA. C’est aussi le centre névralgique de plusieurs réseaux européens. Je pense que c’est le bon endroit pour héberger un projet qui connecte les gens les uns avec les autres partout dans le monde.
Cependant, je prévois d’avoir bientôt d’autres serveurs dans d’autres pays. Avec ça, je vais faire des fonctionnalités plus intéressantes et plus “étranges” (au bon sens du terme) qui vont rendre mon site encore plus amusant.
Ce qui m’empêche actuellement d’ajouter d’autres fonctionnalités qui ont été suggérées par beaucoup et que j’ai eu en tête, c’est que je ne suis même pas sûr de ce qu’est Chatroulette.
Tout le monde trouve sa propre manière d’utiliser le site. Certains pensent que c’est un jeu, d’autres que c’est un monde totalement inconnu, d’autre que c’est un service de rencontre.
Je pense que c’est cool qu’un concept aussi simple puisse être utile à autant de monde. Bien que certains l’utilisent de façon pas très sympa – je suis vraiment contre ça. D’autres font des choses vraiment incroyables auxquelles je n’aurais jamais pu penser. Ils écrivent des chansons sur des étrangers et leurs chantent, les dessinent, écoutent de la musique, leur diffusent leur propre musique. Deux groupes d’adolescents peuvent faire la fête ensemble. À mon avis c’est juste super. Je suis content d’avoir fait ce projet et c’est un plaisir pour moi de travailler dessus.”
—
Photo : Sankt Andreas sur Flickr
]]>